France-Soir, 15.06.2002

Contentieux

Nouvelle tension dans le lourd dossier des couples séparés

Un père français embastillé par la justice allemande

Par Marie Nossereau

"Une situation à hurler." Ainsi le président de l'association SOS enlèvements d'enfants, Gilles Duflot, qualifie-t-il l'arrestation, mercredi dernier à Berlin, de Maurice Elfeke, secrétaire général de la même association, et père de deux enfants, qui vivent en Allemagne et qu'il n'a pas vu depuis cinq longues années.

Nouvel accroc dans l'épineux dossier des enlèvements d'enfants au sein des couples franco-allemands séparés, cette arrestation fait monter d'un cran la tension entre les deux pays. Maurice Elfeke, 45 ans, se trouvait à Berlin pour organiser une manifestation et obtenir un rendez-vous au ministère de la Justice, afin de plaider la cause des centaines de parents français qui sont dans son cas. Mais il a été "embarqué" peu avant ce rendez-vous, dans le cadre d'un litige avec son ex-épouse.

Le père de famille est soupçonné d'être entré par effraction dans l'appartement de son ex-femme et d'avoir subtilisé plusieurs document écrits, une carte de crédit, 4.600 euros en liquide et les passeports de ses deux enfants, Christopher et Alexander, 9 et 5 ans. La justice allemande le soupçonne également d'avoir endommagé la pelouse de son ex-belle-mère en l'aspergeant de désherbant. Pour ces faits, Maurice Elfeke a déjà effectué un mois de prison préventive outre-Rhin, et payé, en guise de caution pour sa libération, environ 5.000 euros. "Ces accusations ne correspondent à rien, s'indigne Gilles Duflot. Tous les témoignages sont contradictoires, l'ex-femme et l'ex-belle-mère racontent n'importe quoi! Mais ce n'est pas étonnant, ce sont des procédés habituels dans ce genre de situations en Allemagne ..."

Aujourd'hui, Maurice Elfeke est enfermé à Berlin, mais dès lundi, il devrait être transféré à Hannovre (nord). "C'est le week-end, tout est bouclé, personne ne pourra lui parler jusqu'à lundi, explique Gilles Duflot. Il n'a pas pu prendre contact avec un avocat et on lui refuse des effets person- peu d'argent, mais c'est impossible."

Les responsables de l'association SOS enlèvement d'enfants ont rencontré les proches du ministre de la Justice Dominique Perben pour les alerter sur le cas Elfeke. "Nous espérons une réaction politique du gouvernement français dans cette affaire, explique Gilles Duflot. C'est incroyable! On arrive à débloquer les situations les plus tordues avec le Pakistan, la Libye ou la Tunisie, et avec l'Allemagne, on s'enlise de plus en plus ..."

Un dossier empoisonné

Combien sont-ils, ces dossiers en souffrance de couples franco-allemand dont la procédure de divorce dérive? Une quarantaine, comme en dénombrait début 2002 la commission parlementaire mixte de médiation. Et près d'une centaine, si l'on y ajoute les cas de parents militaires pris en charge par l'armée. Selon l'association "SOS enlèvements d'enfants", quelques 800 bambins seraient concernés. Si, en théorie, les droits des enfants à entretenir des relations avec leurs deux parents sont garantis par les textes en vigueur dans l'Union européenne, les enlèvements par l'un des parents sont une réalité malheureusement fréquente. Au point qu'après quelques affaires retentissantes, où la justice allemande était taxée de privilégier systématiquement ses ressortissant au dépens du parent français, au nom d'un droit de la famille conservateur, les ministres de la justice des deux pays ont annoncé, en 1998, leur intention d'appliquer par anticipation la convention de Bruxelles II, prévoyant que le seul tribunal compétent pour juger de telles affaires est celui du lieu de résidence habituel des enfants avant la séparation des parents.

Cette même année 1998, les relations entre Bonn et Paris avaient été empoisonnées par le cas de la Française Cosette Lancelin. En mars, le père allemand avait fait enlever ses deux fillettes. Huit mois plus tôt, alors que le couple était en instance de divorce, la mère avait ramené ses enfants en France contre la volonté du père. Chacun possédait le droit de garde, accordé par des tribunaux de leurs pays respectifs. La plus haute instance judiciaire germanique avait refusé de rendre les enfants à la mère, comme le veulent les textes européens.

Lors d'un sommet diplomatique, le président Chirac avait hurlé au "hold up". Les enfants ont finalement retrouvé leur mère.

En 1998, en pleine affaire Lancelin, les ministres français et allemand de la justice ont décidé de créer une commission parlementaire mixte. Outre l'harmonisation des législations, ses membres français et allemands ont eu pour tâche de tenter d'exercer une médiation, de façon à aider le couple à sur-monter les querelles nées des décisions de justice: refus de rendre l'enfant, refus du droit de visite. Des propositions ont été faites. Une charte commune devait être adoptée en janvier dernier. Mais au dernier moment, les délégués allemands ont annulé leur participation, gelant depuis lors ce processus.

3 questions à Pierre Cardo

Membre de la commission parlementaire franco-allemande de médiation pour les enlèvements d'enfants

1. Quelle a été votre réaction en apprenant l'arrestation de Maurice Elfeke?

Je trouve cela excessif. Depuis l'année dernière et malgré les engagements pris par l'Allemagne, cet homme n'a pas pu voir ses enfants. Ni droit de visite, ni droit d'hébergement, il y a de quoi se mettre en colère. Brûler une pelouse au désherbant, cela ne mérite pas la prison, d'autant que la justice allemande n'a pas encore prouvé que cette dégradation est bien le fait de Maurice Elfeke. Je pense en fait que cette interpellation n'est pas un hasard.

2. Qu'entendez vous par là?

Pour les Allemands, Elfeke est un agitateur, capable d'entraîner du monde derrière lui. Je crois que c'est une sorte d'arrestation politique ... Et puis nos partenaires allemands ont une conception du droit de la famille et du rôle des parents très différente de la nôtre, pour ne pas dire un brin rétrograde. Ils ont un petit complexe de supériorité, persuadés que l'Allemagne est un pays de prédilection, qui favorise plus qu'un autre l'épanouissement des enfants. Pour eux, la mère a tous les droits, et la présence du père n'est pas vraiment indispensable.

3. Dans ce domaine, l'Allemagne semble poser beaucoup de difficultés ...

Depuis le mois de mai l'année dernière, la situation est complètement bloquée. Nous n'étions pas d'accord sur le contenu d'un rapport commun sur notre travail. Les choses se sont envenimées. Et puis il y a eu l'histoire de cette mère allemande mise sous tutelle et de son enfant placé dans un foyer, sans que le père français soit sollicité, ou même informé. A l'époque, j'avais fait un scandale et l'histoire s'est un peu trop ébruitée à leur goût. Même les Etats-Unis ont crée une commission spéciale pour traiter les questions familiales avec nos voisins d'Outre-Rhin. C'est dire!

FOTO

Maurice Elfeke a été arrêté et incarcéré alors qu'il se trouvait à Berlin pour plaider la cause de centaines de parents français coupés de leurs enfants. 

France-Soir, 15.06.2002

Prozesssachen

Neue Spannungen im schweren Dossier der getrennten Paare

Französischer Vater von der deutschen Justiz eingesperrt

Von Marie Nossereau

"Eine Situation zum laut aufschreien." So bezeichnet Gilles Duflot, der Präsident des Vereins SOS Kindesentführungen, die am letzten Mittwoch in Berlin erfolgte Verhaftung von Maurice Elfeke, dem Generalsekretär des gleichen Vereins und Vater von zwei Kindern, die in Deutschland leben und die er seit fünf langen Jahren nicht mehr gesehen hat.

Diese Verhaftung ist ein neuer Stachel im dornigen Dossier der Kindesentführungen innerhalb der getrennten deutsch-französischen Paare, und sie erhöht die Spannungen zwischen den beiden Ländern um eine Stufe. Der 45-jährige Maurice Elfeke befand sich in Berlin, um eine Demonstration zu organisieren und ein Treffen beim Justizministerium zu erhalten, und um damit die Sache von Hunderten von französischen Eltern zu vertreten, die in seiner Lage sind. Doch er wurde kurz vor diesem Treffen "eingelocht", im Rahmen eines Streits mit seiner Ex-Frau.

Der Familienvater wird verdächtigt, in die Wohnung seiner Ex-Frau eingebrochen zu sein und mehrere schriftliche Unterlagen, eine Kreditkarte, 4.600 Euro in bar und die Pässe seiner beiden 9- und 5-jährigen Kinder Christopher und Alexander verschwindengelassen zu haben. Die deutsche Justiz verdächtigt ihn ebenfalls, den Rasen seiner Ex-Schwiegermutter beschädigt zu haben, indem er ihn mit Entlaubungsmittel bespritzte. Für diese Taten war Maurice Elfeke jenseits des Rheins schon einen Monat in Untersuchungshaft, und als Kaution für seine Freilassung hat er etwa 5.000 Euro gezahlt. "Diese Anschuldigungen sind aus der Luft gegriffen, empört sich Gilles Duflot. Alle Zeugenaussagen sind widersprüchlich, die Ex-Frau und die Ex-Schwiegermutter erzählen igendwas! Aber das ist nicht weiter erstaunlich, in Deutschland sind das übliche Methoden in Situationen dieser Art ..."

Heute ist Maurice Elfeke in Berlin eingesperrt, aber ab Montag sollte er nach Hannover (Nord) überführt werden. "Jetzt am Wochenende ist alles zu, bis Montag wird ihn niemand sprechen können, erklärt Gilles Duflot. Er konnte sich nicht mit einem Anwalt in Verbindung setzen, und ihm werden seine persönlichen Sachen vorenthalten [...] ein wenig Geld, aber das ist unmöglich."

Die Verantwortlichen des Vereins SOS Kindesentführung haben sich mit engen Mitarbeitern des Justizministers Dominique Perben getroffen, um sie wegen des Falls Elfeke zu alarmieren. "Wir hoffen in dieser Angelegenheit auf eine politische Reaktion der französischen Regierung, erklärt Gilles Duflot. Es ist unglaublich! Die verfahrensten Situationen mit Pakistan, Libyen oder Tunesien lassen sich lösen, und mit Deutschland bleibt man immer mehr stecken ..."

Ein vergiftetes Dossier

Wieviele gibt es von diesen Leidensfällen deutsch-französischer Paare, deren Scheidungsverfahren ausufert? Etwa vierzig, wie die gemischte parlamentarische Mediationskommission Anfang 2002 gezählt hat. Und ungefähr hundert, wenn man die Fälle der Militärs dazuzählt, um die sich die Armee kümmert. Nach Angaben des Vereins "SOS Kindesentführungen" sind etwa 800 Kinder betroffen. Wenn auch theoretisch die Rechte der Kinder, Beziehungen zu ihren beiden Elternteilen zu unterhalten, von den in der Europäischen Union geltenden Texten garantiert werden, so sind Entführungen durch einen der Elternteile leider eine häufige Tatsache. So sehr dass - nach einigen aufsehenerregenden Fällen, bei denen die deutsche Justiz beschuldigt wurde, im Namen eines konservativen Familienrechts systematisch ihre Staatsangehörigen auf Kosten des französischen Elternteils zu bevorzugen - die Justizminister beider Länder 1998 ihre Absicht ankündigten, die Brüssel-II-Vereinbarung im voraus anzuwenden. Diese Vereinbarung sieht vor, dass das einzige zuständige Gericht zur Beurteilung solcher Fälle jenes am gewöhnlichen Wohnort der Kinder vor der Trennung der Eltern ist.

Im gleichen Jahr 1998 waren die Beziehungen zwischen Bonn und Paris durch den Fall der Französin Cosette Lancelin vergiftet worden. Im März hatte der deutsche Vater seine beiden Töchterchen entführen lassen. Acht Monate zuvor, während das Paar in Scheidung lebte, hatte die Mutter ihre Kinder gegen den Willen des Vaters heim nach Frankreich gebracht. Jeder besass das Sorgerecht, das die Gerichte seines jeweiligen Landes erteilt hatten. Die höchste deutsche Gerichtsinstanz hatte sich geweigert, die Kinder der Mutter zurückzugeben, wie es die europäischen Texte vorschreiben.

Während eines Gipfeltreffens war Präsident Chirac laut geworden und hatte von "bewaffnetem Raubüberfall" gesprochen. Die Kinder sind schliesslich zu ihrer Mutter zurückgekehrt.

1998, mitten im Fall Lancelin, haben die französischen und deutschen Justizminister beschlossen, eine gemischte parlamentarische Kommission zu bilden. Neben der Harmonisierung der Gesetzgebungen hatten ihre französischen und deutschen Mitglieder die Aufgabe, zu versuchen, eine Mediation auszuüben, um dem Paar zu helfen, die Streitigkeiten zu bewältigen, die aus den Gerichtsurteilen entstanden sind: Verweigerung der Rückgabe des Kindes, Verweigerung des Besuchsrechts. Es wurde Vorschläge gemacht. Eine gemeinsame Charta sollte im letzten Januar verabschiedet werden. Aber im letzten Moment haben die deutschen Delegierten ihre Teilnahme abgesagt, und seither lassen sie diesen Prozess einfrieren.

3 Fragen an Pierre Cardo

Mitglied der deutsch-französischen parlamentarischen Mediationskommission für Kindesentführungen

1. Was war ihre Reaktion, als sie von der Verhaftung von Maurice Elfeke erfuhren?

Also ich finde das übertrieben. Seit dem letzten Jahr hat dieser Mann seine Kinder nicht sehen können, obwohl sich Deutschland dazu verpflichtet hatte. Kein Besuchsrecht, kein Recht auf Beherbergung der Kinder, es ist zum wütend zu werden. Einen Rasen mit Entlaubungsmittel zu verbrennen, so etwas verdient kein Gefängnis, zumal die deutsche Justiz noch nicht bewiesen hat, dass der Schaden auch wirklich von Maurice Elfeke verursacht wurde. Ich denke in der Tat, dass diese Festnahme kein Zufall ist.

2. Was meinen sie damit?

Für die Deutschen ist Elfeke ein Aufwiegler, der viele Leute mit sich mitreissen kann. Ich glaube, es ist eine Art politische Verhaftung ... Und dann haben unsere deutschen Partner eine Auffassung vom Familienrecht und von der Rolle der Eltern, die sich sehr von unserer unterscheidet, um nicht zu sagen, dass sie ein wenig rückschrittlich ist. Sie haben einen kleinen Überlegenheitskomplex und sind überzeugt, dass Deutschland als Land zu bevorzugen ist, da es mehr als andere Länder die Entwicklung der Kinder fördert. Für sie hat die Mutter alle Rechte, und die Anwesenheit des Vaters ist nicht wirklich unerlässlich.

3. Auf diesem Gebiet scheint Deutschland viele Schwierigkeiten zu bereiten ...

Seit Mai letzten Jahres ist die Lage völlig festgefahren. Wir waren uns über den Inhalt eines gemeinsamen Berichts über unsere Arbeit nicht einig. Die Angelegenheit ist giftig geworden. Und dann war da noch die Geschichte dieser unter Vormundschaft gestellten deutschen Mutter und ihres Kindes, das ins Heim gegeben wurde, ohne dass der französische Vater gefragt oder auch nur informiert wurde. Damals hatte ich einen Skandal daraus gemacht, und die Geschichte hat sich nach ihrem Geschmack etwas zu viel herumgesprochen. Sogar die Vereinigten Staaten haben eine besondere Kommission gebildet, um Familienfragen mit unseren Nachbarn jenseits des Rheins zu behandeln. Das sagt eigentlich schon alles!

[Bild]

Maurice Elfeke wurde verhaftet und eingesperrt, als er sich in Berlin befand, um die Sache von Hunderten von französischen Eltern zu vertreten, die von ihren Kindern abgeschnitten sind.

deutsche Übersetzung: C. Gut
www.inf.ethz.ch/~gut/soscag/020615_francesoir_d.txt